Le Parti Nationaliste français (PNF) réunit son "haut conseil" à Lyon aujourd’hui, tandis que sa première apparition publique de l’année (la "fête des patriotes") vient d’être interdite ce même jour, permettant à ce groupuscule de sortir brièvement de l’anonymat où il végétait jusqu’à présent. En effet, son actualité récente se résumait à l’interpellation mi-février de ses militants dans le cadre d’une enquête sur des dégradations commises sur un centre de culte musulman en novembre dernier à Elne, dans les Pyrénées-Orientales. C’était seulement
quelques jours à peine après la création de ce groupuscule qui, en dépit d’un héritage nationaliste conséquent, peine à trouver sa place et se trouve concurrencé sur son terrain par une Action française en plein essor…Mi-février, le PNF a pour la première fois depuis sa création les honneurs de la presse locale. « Dehort Islam », « France blanche », « white power » et croix celtique, des graffitis tracés en novembre 2015 sur le tout nouveau centre de culte musulman d’Elne : tout le folklore (orthographe approximative comprise) de l’extrême droite traditionnelle, et c’est donc assez logiquement que les flics sont allés sonner à la porte des militants du Parti Nationaliste Français (PNF) du coin, d’autant qu’ils avaient lancé début février une page Facebook contre la construction d’une mosquée dans la ville. Ce parti se veut en effet la nouvelle structure légale de l’Œuvre française (OF), dissoute en juillet 2013 suite au meurtre de notre camarade antifasciste Clément Méric. Alors que le parti avait été lancé en grande pompe le 31 octobre dernier, dans l’espoir de permettre à nos nostalgiques de Vichy de retrouver une place dans le paysage politique, c’est la rubrique des faits divers (et pas des plus glorieux) qui leur permet un bref instant de sortir de leur anonymat. À la Horde, nous attendions depuis des mois l’occasion de revenir sur l’apparition de ce « nouveau » parti, et nous commencions un peu à (dés)espérer tant son activité était proche de zéro…
Le Parti Nationaliste Français [1] n’a en réalité rien de nouveau, puisqu’il s’agit de la réactivation d’une structure créée le 10 décembre 1983 par l’équipe du journal Militant et d’anciens SS, comme Jean Castrillo (qui le dirige), Henri Simon (le père de l’actuel président du PNF, Jean-François) ou Pierre Bousquet. Ce dernier a fait partie du premier bureau politique du Front national et était le premier trésorier du FN, et l’un des dirigeants du PNF, Pierre Pauty, avait lui aussi participé à la création du FN : estimant la ligne imposée par Jean-Marie Le Pen trop « consensuelle », ils avaient claqué la porte du parti au début des années 1980 et espéraient alors avec le PNF attirer ceux qui comme eux voulaient restés fidèles à leurs idéaux sans compromis.
Hélas pour eux, alors que le FN connait ses premiers succès électoraux et sa percée médiatique, le PNF reste à l’état groupusculaire et peine à mettre dans la rue plus d’une cinquantaine de personnes lors des traditionnelles manifestations d’hommage à Jeanne d’Arc. En juin 1985, le PNF connait une scission, qui donne naissance au Parti Nationaliste Français et Européen (PNFE), l’une des rares structures d’extrême droite française à se revendiquer ouvertement néonazie. Malgré un rapprochement au début des années 1990 avec Troisième Voie, dirigé alors par J.-G. Malliarakis, et les JNR de Serge Ayoub, le PNF n’existe qu’à travers sa revue Militant et quelques réunions publiques confidentielles. Ainsi, las de végéter dans un groupuscule, plusieurs de ses cadres cédèrent aux sirènes des partis institutionnels, comme Pauty qui retourne finalement au FN.
Le PNF sombre dans l’oubli jusqu’en juillet 2015 avec la publication de l’édito du numéro 673 de Militant intitulé « Appel aux français non reniés (sic) », simultanément disponible en vidéo sur Youtube, dans lequel le président du PNF, André Gandillon, également rédacteur en chef de la revue, dresse un bilan apocalyptique de l’état de la France [2] et invite pour y faire face les nationalistes qui selon lui « constituent cette élite qui incarne l’âme de la France » à rejoindre le PNF : « c’est en puisant dans les vertus ancestrales de notre peuple, de notre race, nourris de la doctrine nationaliste fondée sur l’expérience des hommes et des ans, que nous restituerons la France aux Français et restaurerons la grandeur de notre patrie plus que millénaire », déclare-t-il.
Probablement ému aux larmes par tant de lyrisme, Yvan Benedetti, l’actuel président de l’OF, s’empresse d’engager ses militants à rejoindre le PNF, un ralliement qui est officialisé le 31 octobre lors d’un congrès « fondateur ». Une réaction sans surprise, car André Gandillon, que les lecteurs fidèles de La Horde connaissent comme le président des Amis de Rivarol, s’était en effet rapproché de l’Œuvre française avant sa dissolution, alors que le mouvement, en particulier à travers l’activisme de ses Jeunesses nationalistes, avait le vent en poupe. Le 10 mai 2015, Gandillon tient ainsi la banderole de tête de l’Œuvre française lors de la manif d’hommage à Jeanne d’Arc (cf. photo), et on retrouve une certaine Marie-Claire Gandillon à la tête des Caryatides, la structure féminine de l’OF.
Cette volonté de se réapproprier le PNF n’est pas nouvelle non plus, car ce parti a toujours intéressé des groupuscules d’extrême droite, attirés par le fait que le parti possédait un journal historique (qui fut un temps rappelons-le le journal officiel du FN) et un local rue des Vinaigriers à Paris (où Serge Ayoub a tenu l’une des ses conférences dans les années 2010). Un temps convoité par Christian Bouchet à l’époque d’Unité radicale [3] au début des années 2000, il était depuis plusieurs années dans l’orbite de l’Œuvre française, qui associait le mouvement à ses initiatives et se rendait aux rares activités publiques du PNF, comme le banquet de Militant . Visiblement, les vieux messieurs du PNF ont donc fini par céder aux pressions de l’église de « Sidologie » [4].
Mais revenons au congrès des 31 octobre et 1er novembre 2015 au Novotel de Sèvres. L’organigramme du parti y a été présenté : le fils du SS Henri Simon, Jean-François Simon, fait office de président de papier, et André Gandillon de secrétaire. Pour ne pas tomber sous le coup de la loi pour reconstitution de ligue dissoute, Benedetti n’y figure pas, bien que son rôle dans l’organisation soit centrale.
Dans la salle, une centaine de personnes, la plupart des têtes connues des différentes sections de l’OF (Lorraine nationaliste, Lyon nationaliste, Franche-Comté nationaliste, etc. qui ont commencé depuis à se renommer PNF Lorraine, PNF Lyon, etc.) ont écouter une brochette de « personnalités » se succéder à la tribune : les antisémites pathologiques Jérôme Bourbon (du journal Rivarol ), Hervé Ryssen et Daniel Conversano, les invités étrangers du Jobbik hongrois, de la Phalange espagnole et d’Aube dorée, et bien entendu les cadres de l’ex-Œuvre française, Yvan Benedetti en tête. Élie Hatem, de l’Action française, était également à la tribune, là aussi sans surprise, puisque c’est un habitué des initiatives publique de l’Œuvre française.
Enfin, Jean-Marie Le Pen, fidèle à sa stratégie consistant à la fois à emmerder sa présidente de fille qui l’a poussé vers la sortie et à se poser en rassembleur de tout ce que l’extrême droite compte de nostalgiques en tout genre, s’est fendu d’une petite lettre de soutien à la « nouvelle » formation, vidéoprojetée lors du congrès : « Au président et aux membres du PNF en refondation : salut et fraternité. Jeune nation et l’Œuvre Française, derrière leur fondateur Pierre Sidos, ont mené un combat national indépendant depuis plusieurs décennies, parallèlement au Front national que je présidais. Nous avancions vers le même but : arracher notre patrie et son peuple français à une décadence que nous savions mortelle. Le tsunami migratoire rend nécessaire une mobilisation générale des patriotes et la coordination de tous les mouvements nationaux. Chacun d’eux doit être de plus en plus fort dans son secteur. C’est tout ce que je souhaite à votre congrès en ces temps où la fête des morts annonce la résurrection. »
Ce congrès a également été l’occasion de présenter le nouveau logo de la formation (image A), événement moins anecdotique qu’il n’y paraît. En effet, pour la première fois de son histoire, l’Œuvre française abandonne la croix celtique : si les couleurs et la couronne de lauriers évoque le logo du parti néonazi grec Aube dorée (B), et si le glaive associé à un autre symbole est un classique chez les néonazis (C : logo du groupuscule belge l’Assaut, où le glaive recouvre la rune odal), l’utilisation de la fleur de lys, symbole royaliste, peut surprendre. Le PNF nouvelle formule s’en explique : « antique symbole du royaume de France », la fleur de lys symboliserait la France éternelle, et le PNF entend bien ne pas la laisser aux royalistes. Or l’Action Française (AF), principale formation monarchiste et plus ancien mouvement d’extrême droite français, a pris soin récemment de « moderniser » sa fleur de lys (E) alors que le PNF, lui, en reprend la forme et les couleurs traditionnels, se ringardisant fortement au passage.
Ce choix est, dans le contexte actuel, d’autant plus cocasse que l’AF, boostée par le mouvement « Manif pour Tous » des années 2012-2014, a pris depuis quelques mois la place des Jeunesses nationalistes sur le terrain de l’activisme, et devient the place to be pour tout facho en manque d’action, au grand dam de l’OF qui voudrait bien, avec le PNF, servir de pot à miel pour attirer en son sein tous les nationalistes égarés et retrouver son dynamisme perdu.
C’est d’autant plus cruel que le PNF n’a pas grand-chose d’autre à proposer, comme le montre la page « Programme » de son site internet : tentant de faire du neuf avec du vieux, cette tentative de ressusciter l’Œuvre française de façon détournée semble condamnée à rester la cour des miracles du milieu nationaliste. Mais le passé récent a montré que la bête pouvait avoir quelques soubresauts, et il convient de garder sur elle un œil vigilant.
La Horde