A quelques jours de ce qui, espérons-le, sera le point de départ d’une mobilisation populaire et autonome pour la justice sociale, voici deux textes de groupes antifascistes, l’un de Bordeaux, l’autre de la région parisienne, sur l’initiative "Bloquons tout !", qui tous les deux appellent à rejoindre le mouvement.
Le 10 septembre et bien après, bloquons tout ! (OAB)
Nous vivons une période où les digues tombent les unes après les autres.
Le racisme, l’autoritarisme d’état, l’exploitation économique : toutes ces violences ne progressent plus à bas bruit, elles s’imposent désormais frontalement comme une politique assumée. Les gouvernements se succédant multiplient les politiques hostiles aux classes populaires, la répression devient un mode de gouvernance et les idées d’extrême droite ne se sont jamais autant infusées au sein des institutions. Il est donc temps de sortir de notre résignation ambiante.
La mobilisation du 10 septembre ne doit pas être lue comme une simple réaction aux annonces récentes du 1er ministre. Bien évidemment, ses annonces sont d’une violence inouïe : plan d’austérité massif, coupes budgétaires colossales dans les aides sociales et dépenses publiques, attaque contre les droits des chômeurs, suppression de jours fériés..
Seulement, il ne fait qu’appliquer le projet néolibéral et autoritaire porté par ce gouvernement — et plus largement, le modèle de société qu’il incarne.
Ce que nous combattons n’est pas une série de réformes isolées, portées d’ailleurs par des gouvernements dit « de gauche », « du centre » ou « de droite », mais un projet de société, construit depuis des décennies, qui n’a plus besoin de l’extrême droite pour écraser les plus pauvres : il en a déjà les outils.
Nous ne pensons pas que caricaturer ce mouvement ou le regarder avec dédain nous permettra de lui faire développer son sens profondément révolutionnaire. Sans faire de parallèle direct avec une précédente mobilisation historique, c’est justement parce que les structures classiques ne sont pas à la manœuvre qu’il faut se saisir de ce mouvement. Quant aux mouvements d’extrême droite qui tenteraient de récupérer cette date et ses revendications, il n’est plus à rappeler que leur projet autoritaire et profondément pro-capitaliste n’a aucune légitimité et se retrouve déconnecté des revendications du 10 septembre. Et comme nous l’avons toujours fait, nous saurons nous en rappeler lorsqu’il s’agira de tenir la rue.
Comme les appels le rappellent, cette date et ses suites doivent être témoins d’une convergence offensive : celle des travailleur·ses exploité·es, des immigré·es trop souvent attaqué·es, des quartiers oubliés, des services publics à l’agonie et des jeunes précaires. Nous appelons l’ensemble des forces vives de notre camp à s’emparer de cette date et des suivantes, et à les faire vivre.
Offensive Antifa Bordeaux - contact-oab(a)riseup.net
Perspectives autonomes à l’aube du 10 septembre (MIRA)
L‘apathie générale de ces derniers mois aura au moins permis d’observer ce qui se trame en face : l’Etat prépare activement la guerre et détruit tout ce qui pourrait l’entraver.
Réforme des retraites, de l’assurance chômage, de l’enseignement secondaire & supérieur, attaques contre le droit au logement, expulsions violentes de mineurs non-accompagnés, destruction du vivant et casse de l’hôpital public (pendant qu’on applaudit la facilitation du droit à mourir). L’Etat fait feu sur tous les fronts et s’en prend à celles & ceux – pauvres, personnes racisées, jeunes, personnes âgées – qui n’entrent pas dans ses plans.
Le nouveau budget austéritaire de Bayrou suit naturellement cette voie : faire crever les services publics et nous appauvrir, le tout au seul profit des dépenses de guerre qui, elles, ne cessent d’augmenter. Ce n’est d’ailleurs pas anodin si l’Etat prévoit le lancement d’un nouveau fonds d’investissement pour contribuer à l’effort de « défense nationale ». L’objectif est clair : faire de nous les actionnaires d’entreprisesimpliquées depuis des décennies dans les guerres coloniales –
entreprises aujourd’hui actrices du génocide du peuple palestinien mené par Israël. Dans le même temps, sans augmenter les salaires, la macronie propose la suppression de jours fériés, le raccourcissement des congés payés et la hausse du temps de travail.
En somme, le travail, la misère et la guerre.
C’est dans ce contexte qu’émerge l’appel à bloquer le pays à partir du 10 septembre, ressuscitant un doux parfum de contestation nationale qui s’était longtemps fait désirer. Pourtant, alors que le mouvement a affiché dès le départ ses revendications sociales, de nombreux médias se sont donnés la mission de nous alerter sur ses composantes d’extrême droite.
Comme à l’apogée des Gilets Jaunes, les grands médias tirent un malin plaisir à réduire ces appels au soulèvement populaire à un agglomérat
inaudible et perméable au surgissement de mots d’ordre rouges-bruns. Sous leur plume, la rue devient régulièrement la manifestation d’une altérité incompréhensible, corruptible et irraisonnée, qui réduirait à néant toute sympathie à son égard. Il est amusant de constater qu’ils
sont nettement moins bavards lorsqu’il s’agit de qualifier l’expulsion méthodique de sans-papiers qu’orchestre l’Etat, les meurtres commis par la police, les résultats du RN dans les urnes, ou encore les fanfaronnades de bandes de nazis dans nos rues. Ces mêmes médias qui, alignés sur l’agenda fasciste de l’immonde Retailleau, participent activement à la diabolisation de l’immigration et de l’islam, sont également bien timides lorsqu’il s’agit de mentionner qu’en 2018 comme aujourd’hui, les fascistes se font virer de nos cortèges auto-organisés.
Bien entendu, il serait faux de prétendre que l’extrême droite ne cherche pas à capitaliser sur la colère populaire. Bien que leurs partis œuvrent main dans la main avec l’Etat bourgeois pour détruire tout ce qu’il reste de social dans ce pays, les militants du RN et de Reconquête tentent de s’immiscer dans l’appel du 10 septembre et relaient eux-aussi les appels à bloquer le pays.
En plus de revendiquer des mots d’ordre nauséabonds, les fascistes les plus radicaux sont aussi en embuscade, et s’imaginent pouvoir prendre le contrôle du mouvement. Pour l’heure, seuls les pétainistes des Nationalistes, guidés par un Yvan Benedetti qui a vite oublié les claques que lui et ses amis prenaient en 2018, se risquent à communiquer ouvertement sur le 10 septembre. Tâchons de rester à l’affût pour les dégager s’il leur venait l’idée farfelue de penser qu’ils auraient – ou pourraient prendre – une place parmi nous.
Si une présence dans la rue est nécessaire face aux éléments fascistes qui tenteront de pousser leur agenda, et pour assurer la sécurité de chaque camarade mobilisé·e le 10, ne négligeons pas non plus des actions moins offensives. Pour se rencontrer et créer des liens de solidarité, investissons des tables d’information dans les rues, des piquets de grève, organisons des cantines populaires, lançons de nouvelles occupations ou rejoignons les blocages existants.
Un mouvement fort ne naît pas de rien : construisons dès à présent des dynamiques sur le temps long, pour éviter de retomber dans les travers du mouvementisme. Repartir de (presque) rien à chaque nouvelle étincelle n’est pas une fatalité.
A rebours de toute nostalgie, émancipons-nous de l’écueil des comparaisons ad nauseam, sortons de l’ombre des soulèvements précédents, tout en nous souvenant de leurs erreurs comme de leurs victoires. Face aux partis et syndicats qui tentent de s’impliquer dès aujourd’hui dans la construction du 10 septembre, nous devons tout faire pour ne pas les laisser récupérer, pacifier et diluer un mouvement qui a tout pour ouvrir de nouvelles brèches.
Admettre que le ras-le-bol touche au-delà de notre camp politique doit plus que jamais nous inciter à défendre nos mots d’ordre anticapitalistes, antiracistes, féministes, antifascistes, et nos modes d’organisation autonomes, pour que vive un soulèvement populaire qui nous ressemble et nous enthousiasme.
Mouvement Indépendant de Riposte Antifasciste - mira_parisnord(a)riseup.net