Samedi 17 février 2024, comme chaque année au mois de février, une marche aux flambeaux néonazie, la marche de Lukov, a empuanti les rues de Sofia. Organisée depuis par l’Union nationale bulgare – Edelweiss (BNS), elle commémore la mémoire du général pronazi Hristo Lukov, assassiné par des résistants communistes en 1943 : des camarades antifas bulgares se sont mobilisé·es, et en font ici une présentation détaillée.
Comme chaque année, une poignée d’antifascistes ont fait face à ces marcheurs d’extrême droite et à l’État policier bulgare. Comme chaque année, la préfecture de Sofia a « interdit » la procession pour finalement la laisser se dérouler sans perturbation…
Comme chaque année, sur cette frontière sud-est de l’Union européenne « humaniste » et fortifiée par sa police, meurent des humains fuyant les guerres des foutaises nationalistes ou les dérèglements climatiques induits par la domination capitaliste. Sur cette frontière européenne, les différentes manifestations de l’extrême droite bulgare abreuvent de patriotisme de nouveaux adhérents.
Cette situation n’est pas un phénomène bulgare isolé. Des évènements commémorant des meneurs nazis ou fascistes pullulent en France, en Italie, en Hongrie, en Allemagne, en Estonie, en Grèce et réunissent les sympathisants des formations des extrêmes droites européennes. Les frontières maritimes de l’Union européenne tuent des migrant·es. Dans toutes les géographies européennes la fuite facile vers des idéologies haineuses remplie les rangs des extrêmes droites européennes.
Depuis les États-cités émergents, chassant les « barbares », à travers les États gendarmes du libéralisme, opprimant les individus socialisés et jusqu’aux États nations des républiques « démocratiques », une minorité despotise et terrorise des humanités. Nous avançons désormais à grands pas à travers une nouvelle peste brune, dans une nouvelle époque où la destruction climatique et les guerres incessantes tuent de nombreux humains et poussent d’autres à se déplacer.
Pour faire face à cette peste, à cette haine, à l’obscurantisme qu’elle impose, plus que jamais nous sommes dans l’urgence de nous déterminer dans nos valeurs et non pas dans nos « nations ». « Les nations, quelle foutaise ! » écrivait Rosa Luxembourg à l’aube d’une guerre mondiale, « Les frontières sont des barrières imaginaires pour nous distraire de l’essentiel : la destruction de notre société injuste ! » Ne nous laissons pas distraire, tissons les liens de nos déterminations humanistes.
À propos de la Marche de Lukov
Chaque année, à la mi-février, des néo-nazis et des fascistes de toute l’Europe se rassemblent dans la capitale bulgare, Sofia pour une procession aux flambeaux : la marche de Lukov. Ils profitent de l’occasion pour planifier des actions visant à affirmer, légitimer et renforcer les nationalismes, le néonazisme et le fascisme en Europe.
Cette marche est une commémoration à la mémoire du général Lukov, assassiné le 13 février 1943 par la jeune résistante antifasciste Violeta Yakova. Hristo Nikolov Lukov, était ministre de la guerre de 1925 à 1938 et chef de l’organisation ultra-nationaliste Union des légions nationales bulgares (SBNL). Maintenant des relations étroites avec les dirigeants nazis du Troisième Reich, il avait adhéré aux idéologies du national-socialisme et du fascisme bien avant la Seconde Guerre Mondiale et était un fervent défenseur des idées antisémites en Bulgarie.
Lukov a été officiellement honoré pour la première fois en 2003. Depuis, la marche aux flambeaux a lieu chaque année, bien qu’elle ait été formellement interdite en 2014 et 2015. En 2016 et 2017, la marche n’a pas non plus été approuvée par la municipalité de Sofia, mais après un appel des organisateurs au tribunal administratif, le cortège a finalement eu lieu à nouveau. La façon dont le pouvoir protège ces manifestations d’extrême droite devient une réelle menace pour les opposants à la marche de Lukov. Rappelons ici la réalité bulgare, où le racisme, la xénophobie, le sexisme, l’homophobie et l’apathie fleurissent. Rappelons également la position géographique de la Bulgarie et le rapport Torchlight, faire la lumière sur l’opacité violente du régime frontalier européen du collectif Rotte Balcaniche Alto Vicentino. Pour éviter une interdiction de l’événement, les participants aux dernières marches de Lukov ont évité d’afficher ouvertement des symboles nazis (comme cela s’est produit lors des marches précédentes) sans pour autant cacher leurs affinités pro-nazies.
Les organisateurs de la Marche
L’Union nationale bulgare « Édelweiss » (BNS)
L’organisateur principal et officiel de la marche est BNS, un groupe nationaliste et ouvertement fasciste. Sur leur site ils se décrivent comme « une organisation patriotique » de « nationalistes bulgares » mais indiquent que le SBNL de Lukov est « idéologiquement, l’organisation la plus proche » de leurs valeurs.
Ils sont pour « développement, solidement ancré dans les traditions » de la nation bulgare, pour la « réduction drastique de l’appareil bureaucratique », leur conviction est qu’« il est inadmissible que des personnes qui n’ont pas de conscience et d’origine bulgares participent à la gestion du pays » et que « le pouvoir d’État doit être fort et centralisé, concentré entre les mains de personnes dignes et responsables du destin de la nation bulgare ». Les dirigeants du BNS tentent en vain de cacher leur vrai visage derrière une image de « patriotes ordinaires », mais chacune de leurs apparitions révèle leur nature néonazie.
Le leader de BNS, Zvezdomir Andronov, possède un commerce d’armes : sa société Extended OOD, sous la marque "Brannik", propose des équipements et accessoires de combat. Rappelons que lors de la Marche de Lukov, Andronov accueille des organisations également connues pour leur possession d’armes, leur violence et leur propagande nazie. Des préparatifs visant à bombarder des camps de réfugiés par des habitués de la marche membres de Die Rechte (Allemagne) ont été découverts par la police allemande en 2015. Le 20 avril 2019 (à l’occasion des 130 ans de la naissance de Hitler) BNS réunit à Sofia les membres de différentes organisations des extrêmes droites européennes parmi lesquels La Phalange Espagnole, NPD, Die Rechte, Der III Weg (Allemagne), Terre et peuple (France), CasaPound (Italie), Renaissance nationale (Pologne), Nova Dreapta (Roumanie), Front nordique (Suède), Mouvement impérial russe (Russie), des Partis néo-fascistes d’Autriche, de Hongrie, de Croatie, et même des États-Unis. Le lendemain ils créent l’Union nationaliste paneuropéenne Forteresse Europe, dont l’objectif est de « transformer une Europe passoire en une Europe forteresse ». Le 22 avril, Andronov a été invité à parler du nouveau projet à la télévision dans l’émission Face à Face avec Tsvetanka Rizova. L’émission a présenté les objectifs de Froteresse Europe : « éliminer l’influence du marxisme, du lobby sioniste, de la franc-maçonnerie, des partis et des organisations de gauche et des groupes djihadistes ».
La « Résistance nationale » (NS)
NS est une organisation informelle ultranationaliste qui lutte contre l’homosexualité, le communisme, le libéralisme, le mondialisme, la tolérance, la démocratie. Plusieurs médias ont alerté sur la participation des membres de NS à diverses attaques contre des immigré·es, des personnes issues de groupes minoritaires, des jeunes homosexuel·les, des militant·es de gauche, etc. Parmi ses membres on trouve Blagovest Asenov, un antisémite déclaré, raciste et homophobe. Un autre membre est Nikolaï Yovev, un nazi assumé, accusé de crimes à caractère raciste.
En 2013, NS avec « Sang et Honneur », des ultras de diverses équipes de foot, des groupes nationalistes informels bulgares ont tenté de créer un nouveau parti d’extrême droite : le Parti nationaliste de Bulgarie (NPB). Suite au refus de son enregistrement en 2014, ils présentent Nikolaï Yovev comme candidat « indépendant » aux élections européennes. Ce dernier venait de sortir de 18 mois d’incarcération pour avoir posé une bombe devant le siège d’Euroroma dans la ville de Sandanski. Bombe qui tue Maline Iliev, ancien candidat conseiller municipal d’origine rom, âgé de 58 ans.
D’autres sympathisants de l’organisation comme Miroslav Paskalev-Zoretza sont des homophobes de renommée. Des manifestations anti-LGBT sont organisées par NS en 2015, 2016 и 2017.
L’organisation est en contact étroit avec Sang et Honneur, également très populaire parmi la jeunesse d’extrême droite en Bulgarie. Ces gangs sont parmi les plus agressifs de la rue. Le NS perd de plus en plus de positions à Sofia, mais gagne en force dans les petites villes (par exemple à Pernik et Razgrad).
Sang et Honneur – Bulgarie
Membre de l’organisation skinhead néo nazie Blood and Honour, la branche bulgare organise chaque année la veille de la marche de Lukov des rencontres internationales à Plovdiv. Sang et Honneur Bulgarie accueille régulièrement d’autres rencontres néonazies ainsi que des concerts de groupes néonazis. Blood and honour sont actifs dans la région de Plovdiv et Stara Zagora. Ses membres parlent ouvertement dans les médias bulgares de la création d’un parti néonazi légal.
Les participants des extrêmes droites européennes
Un grand nombre d’organisations de droite de divers pays européens participent à la marche de Lukov : la Phalange espagnole, le NPD allemand, le Casapound italien, des néonazis suédois, croates, roumains ou russes, mais aussi des français comme Terre & Peuple ou les Nationalistes.
En 2017, la page officielle de la marche de Lukov publie une vidéo dans laquelle les membres de la branche de Dortmund de l’organisation allemande d’extrême droite Die Rechte font l’éloge de Hristo Lukov, expliquant que « l’idéologie contre celui qui était en guerre n’est pas morte le 8 mai 1945 ». La vidéo est présentée sur le fond de graffitis éloquents « NAZI ». Sur le mur adjacent, à côté des graffitis en question, est peint le drapeau de l’Empire allemand (également utilisé par le parti nazi), que les participants à la marche brandissent fièrement dans les rues de Sofia.
L’organisation terroriste suédoise Swedish Resistance Movement, qui fait partie du réseau néonazi Nordic Resistance Movement, font partie des soutiens de la marche de Lukov. Une grande partie de ces organisations sont interdites dans leur pays d’origine et profitent de l’occasion pour organiser des réunions internationales en Bulgarie, autour de la marche. Ainsi, Sofia s’avère être un hôte hospitalier, un centre de coordination pour les nazis, les fascistes et les racistes de toute l’Europe.
Antifa Bulgarie