Décédé le 7 décembre dernier, Jean-Gilles Malliarakis était l’une des figures de l’extrême droite française de la fin du XXe siècle. Nos camarades de REMED, sur le site antifasciste Ripostes ont fait le portrait de celui qui fut militant politique révolutionnaire et néofasciste, éditeur, idéologue, chef de parti, journaliste et rédacteur en chef de nombreuses revues, et même responsable syndical.
Né en 1944, fils du peintre Mayo, Jean-Gilles Malliarakis commence son éducation politique comme beaucoup à l’Action Française, à travers la lecture de Charles Maurras et des revues de la Restauration Nationale (le nom de l’AF après la seconde guerre mondiale). Bien qu’il ne soit pas resté très longtemps à l’AF, il reconnaîtra jusqu’à la fin de sa vie avoir été marqué par les écrits de Maurras, même si l’anti-germanisme de ce dernier le rebutait. A la même époque il s’intéresse au mouvement poujadiste sans y adhérer, ne trouvant aucune structure autour de lui pour y militer alors qu’il était au lycée dans le sud de la France. Deux lignes directrices qui vont l’accompagner toute sa vie, ainsi que l’anticommunisme.
Arrivé à Paris pour poursuivre des études supérieures, il participe à la fondation d’Occident en 1964 tout en continuant de se forger politiquement en lisant L’Ordre français [1] de Pierre Debray [2].
Il quitte Occident lorsque son président et fondateur, Pierre Sidos [3], se voit évincer du mouvement. S’il écrit pour la revue Le Soleil de Sidos, il créé en parallèle à Science Po le Cercle du Capitaine Moureau.
En mai 68, il est furtivement tenté de rejoindre les étudiants d’extrême gauche sur les barricades, qui combattent contre le gouvernement gaulliste. Il participera de son propre aveu à quelques nuits d’émeutes, mais son anti communiste viscéral lui fait rejeter le mouvement. Contrairement à beaucoup de gens de son bord, dont les membres d’Occident, il refuse de se ranger du côté de l’ordre et du pouvoir gaulliste. Tout en fréquentant le Mouvement Jeune Révolution [4], il fonde donc son propre mouvement L’Action nationaliste, qui à l’occasion collabore avec le GUD.
C’est avec ce groupuscule que Malliarakis commence à faire parler de lui : le 2 mai 1969 lors d’une diffusion de tracts devant le lycée Louis Le Grand, un affrontement éclate entre militants nationalistes et militants d’extrême gauche. L’un d’eux perdra plusieurs doigts de la main après l’explosion d’une charge. Dans le tumulte, Jean-Gilles Malliarakis est assommé et passera quelques semaines en prison.
Il se fera également remarquer en fêtant les 50 ans du premier faisceau italien de combat dans un amphi de Science Po en déployant une banderole avec la devise « Croire Combattre et Obéir ». S’il qualifiera par la suite cet épisode de simple provocation, on peut également y voir une fascination et une admiration pour le fascisme italien et Mussolini [5].
Toujours en 1969, à l’invitation des anciens d’Occident dont Alain Robert, il participe à la fondation d’Ordre Nouveau mais ne s’y implique pas au niveau militant. Il écrira sous pseudo des articles pour la revue du mouvement, ses occupations professionnelles l’empêchant d’apparaître publiquement dans un mouvement comme Ordre Nouveau.
Il participera également en 1972 à la première réunion de préparation pour la création du Front National (avant même que Jean-Marie Le Pen n’y soit convié), mais s’en éloignera immédiatement : le côté légaliste de Le Pen et le manque d’intérêt pour la question sociale de la part d’Ordre Nouveau sont rédhibitoires.
Dans les années 70 il fréquente le milieu « solidariste » naissant sans y adhérer. Il prétendra être à l’origine de l’introduction du terme dans la sphère nationaliste française. Le solidarisme symbolise pour lui la forme d’anticommunisme la plus radicale. Un peu plus tard il avouera que le terme, tout comme l’expression « nationaliste révolutionnaire », fut une façon astucieuse d’éviter de se définir publiquement comme fasciste ou néofasciste.
Il revient à l’engagement militant en rejoignant le GAJ [6] en 1974, dont il prend la tête. Il se retrouve à la tête d’une formation dont la plupart des membres sont alors beaucoup plus jeunes que lui et en profite pour le refaçonner à son image : incarner une droite nationaliste et révolutionnaire. Il transforme la revue [7] des jeunes du GAJ en Jeune Garde Nationaliste et en parallèle créé une revue théorique Les cahiers du solidarisme. Il entame également une carrière d’éditeur et reprend une librairie [8].
Quand les solidaristes historiques [9] rejoignent Jean-Marie Le Pen en 1977, « Mallia » choisit une nouvelle fois de ne pas s’associer avec lui [10]. Il tente de rassembler et d’unifier différents courants et groupuscules [11] dans l’espoir de devenir la 1re force à l’extrême droite, devant le FN et le PFN (Parti des forces nouvelles), avec une ligne directrice plus offensive. Cette initiative donne naissance au MNR, le Mouvement Nationaliste Révolutionnaire. En parallèle il entre en guerre contre les néo-nazis de la FANE [12] à qui il interdit d’utiliser le terme nationaliste révolutionnaire. Si le MNR peine à percer, « Mallia » se félicitera quelques décennies plus tard d’y avoir formé de nombreux cadres de la mouvance nationaliste des années 80-90 à travers le MNR.
Au milieu des années 80, devant le constat d’échec du MNR, il tente une nouvelle union en allant chercher le GUD et des cadres du Parti des Forces Nouvelles [13] pour lancer Troisième Voie [14]. C’est l’apothéose de la carrière militante de « Mallia ». Il multiplie des apparitions provocatrices lors des défilés en l’honneur de Jeanne d’Arc les deuxièmes dimanches de mai, comme lorsqu’il ouvre la manifestation se tenant debout sur une voiture militaire allemande ou avec les banderoles la Jeune Garde [15] et la présence des JNR [16] de Serge « Batskin » Ayoub [17]. Jean-Gilles Malliarakis propose également des idées innovantes pour l’époque pour garder le contact avec ses sympathisants comme un bulletin téléphonique quotidien où il proposait son analyse de l’actualité.
Sans doute fatigué par l’impasse groupusculaire dans laquelle il s’est engagé depuis des années, et la percée électorale du FN qui marginalise Troisième Voie, Jean-Gilles Malliarakis propose alors aux membres de TV de rentrer dans le FN individuellement. La frange la plus radicale de TV refuse cette option et propose de négocier son entrée au FN en tant que tendance et groupe constitués. Cette mouvance publiera un bulletin Alternative Tercériste qui donnera naissance à Nouvelle Résistance puis Unité Radicale [18].
Jean-Gilles Malliarakis quitte alors définitivement l’engagement militant politique, donne quelques conférences à l’Institut de formation national du FN [19], et s’investit dans le syndicalisme des petits commerçants et artisans au CDCA (Confédération de défense des commerçants et artisans) au côté de Christian Poucet, en prenant la tête du journal de la structure. En 1995 il quitte ses fonctions syndicales pour rejoindre le cercle Idées-Actions de l’ultra libéral Alain Madelin qu’il connaît depuis les années 60 et Occident. En parallèle il devient chroniqueur sur Radio Courtoisie et lance son blog l’Insolent.
Si sa mort a été saluée par les générations militantes des années 60-70/80-90, on notera que parmi les jeunes générations, en dehors des Parisiens de Luminis, pratiquement aucun groupe n’a évoqué la mort de Jean-Gilles Malliarakis, alors même que ces groupes revendiquent des positionnements et analyses politiques incarnés par « Mallia ». Paradoxalement la jeunesse nationaliste radicale des années 2020 continue de se réclamer de Dominique Venner aux positionnements nettement plus réactionnaires et conservateurs que ceux de Jean-Gilles Malliarakis.
Taz, pour REMED
Source: Ripostes


