Le site du réseau mutu La Grappe à Bordeaux a publié une interview de militant-e-s antifascistes qui reviennent sur leur militantisme sur la ville des années 2000 à aujourd’hui.
La question antifasciste est plus que jamais d’actualité. Pour mieux saisir la construction et l’évolution du milieu antifasciste à Bordeaux, nous avons demandé à deux personnes ayant participé à le faire exister pendant plus de quinze ans, quel était leur regard sur leur parcours. Iels abordent aussi la manière dont iels ont vécu au sein de leurs groupes et ce qu’iels tirent comme conclusions pour la suite. L’interview qui suit est leur récit personnel du milieu des années 2000 à aujourd’hui.
Est-ce que vous pouvez vous présenter brièvement ?
C : J’ai commencé à militer à Bordeaux à mes 17 ans, au sein de l’Athénée Libertaire dans un collectif qu’on avait créé pour la régularisation de tous les sans-papiers suite à une mobilisation pour une personne immigrée de Montreuil qui s’était faite arrêter à Bordeaux. A l’époque, il n’y avait pas d’autre collectif que RESF [1] Suite à cette rencontre avec les gens de Montreuil, on a créé le CRSP (Collectif pour la Régularisation de tous les Sans Papiers) et on se réunissait à l’Athénée Libertaire.
C’est un lieu dans lequel j’ai, par la suite, continué de militer avec OCT (Ovaires et contre tout) puis ensuite avec le Graaf (Groupe de résistance Anticapitaliste et Antifasciste).
En 2016, il y a l’ouverture du local fasciste Le Menhir [2]. et j’ai participé à la fondation du Pavé Brûlant. C’est aussi dans ses années où beaucoup de choses changent dans ma vie, maternité, travail, etc. J’ai milité jusqu’à ce que se crée l’OAB [3], en 2021.
F : De mon coté j’ai commencé à zoner en concert, en manif, au stade. Je ne me dirigeait pas vraiment vers une tendance politique à la base, on avait simplement une culture de perpétuation de ce qu’avaient fait les anciens, c’est-à-dire dégager les fafs pour faire en sorte que les rues soient cleans. Puis, avec des potes du stade et quelques autres politisés on a monté le Collectif Antifa. Cette période a duré 5 ans environ, on était, il faut le dire, pas très ouverts, avec toujours la même vingtaine de personnes. On a organisé de nombreux concerts et des soirées. On traînait pas mal dans la rue et on faisait le lien avec les gens du stade pour mettre un coup de poing quand c’était nécessaire. Après ça, je me suis globalement mis en retrait des groupes politiques.
Aujourd’hui, Bordeaux est une ville assez épargnée en terme d’activité fasciste par rapport à Lyon ou ailleurs, est ce que vous-voulez parler du travail mené par les générations précédentes pour dégager les fafs ?
F : A l’époque, il y avait des gens pour se battre et imposer un rapport de force, je pense par exemple à la BRS (Burdigala Red Scarla). Grâce à ça, puis ensuite grâce au Collectif Antifa, on peut aujourd’hui être plus tranquilles dans la rue pour ce qui est des fafs, il faut que ça continue évidemment.
Le revers de la médaille c’est que tout cela a créé une culture de la force mascu du milieu antifa et dont l’image s’est perpétuée, alors qu’aujourd’hui si il y a une, voire deux bagarres dans l’année, c’est énorme.
C : Moi qui ait commencé à militer à Bordeaux jeune, on t’expliquait que les vieux antifas avaient fait le travail à Bordeaux.
F : Maintenant qu’on a dit ça, il faut pas se relâcher pour autant et penser qu’il n’y a plus rien à faire. C’est important qu’il y ait des groupes qui restent hyper déter et actifs car aujourd’hui on n’a pas seulement des bandes de fafs à gérer mais aussi un État de plus en plus autoritaire qui met en place des mesures d’extrême-droite.
On a parlé du Collectif Antifa, est ce que vous pourriez développer un peu ? En quoi consistait ce groupe, ses lignes politiques, les volontés d’actions.
F : Né en 2011, c’était à la base 80 % de gens affiliés au stade, très peu de gens qui étaient dans des orgas politiques avant. C’est pour ça que je disais que c’était pas très ouvert. En fait, si la démarche était politique, elle n’était pas militante au sens de vouloir recruter. En réalité, comme les gens étaient déjà dans un groupe de supporters, il n’avait pas forcément l’énergie ou la volonté de construire quelque chose de très politisé. C’était vraiment une bande pour aller dans la rue et la tenir, même si ça arrivait de bouger en manif et d’organiser des concerts.
C : Cette différence dans l’approche militante, on l’a vu d’ailleurs après dans des réunions à l’Athénée contre l’ouverture du Menhir. L’urgence était à prendre la rue, bouger à plusieurs, aller chercher des infos de terrain et pas forcément à faire des textes d’appel pour ceci ou cela et le Collectif Antifa n’était pas toujours entendu. Cependant, cette initiative collective a été une première qui nous a servi d’exemple pour la création du Pavé, un peu plus tard.
F : Sur l’image que renvoyait le groupe, c’est aussi que ça mobilisait fort au sein des Ultras. Il y avait 70-80 personnes qui pouvaient se ramener lorsque c’était nécessaire donc, forcément, ça créait une dynamique.
Après, ça a fini par s’arrêter autour de 2016 parce que l’unique raison de se mobiliser c’était d’aller dans la rue et rien de plus. C’était une vision différente d’un militantisme un peu froid qui veut pas trop prendre de risques, là, on était sur quelque chose à l’inverse où ça osait se taper lorsque c’était nécessaire et au final les gens ont fini par beaucoup s’appuyer dessus, par défaut.
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