Le lundi 15 juillet, alors que l’Arcom étudie la réattribution des fréquences TNT pour la chaîne Cnews, une centaine d’organisations syndicales, antiracistes, féministes et écologistes lancent une campagne d’action contre le groupe Bolloré. Voici leur appel, à la suite duquel plusieurs initiatives antifascistes ont eu lieu.
Si l’on peut se réjouir provisoirement que le Rassemblement National n’ait finalement pas réussi à l’emporter lors de ces élections, celui-ci compte bien poursuivre sa conquête des territoires et des imaginaires. Nous devons, sans attendre de prochaines échéances électorales, unir nos force contre les vecteurs de fascisation de la société. Nous appelons en ce sens à mener partout bataille contre Bolloré : parce que c’est un acteur du ravage écologique, de l’exploitation néo-coloniale mais aussi parce qu’il est devenu en quelques années un levier majeur de la conquête du pouvoir par l’extrême droite.
Bolloré, directeur de la propagande
Bolloré met un ensemble toujours plus grand de médias de masse à disposition d’une politique ouvertement raciste. Sur des chaînes, les Éric Zemmour, Pascal Praud et autres commentateurs radicalisés disent qu’ils œuvrent pour une mission « civilisationnelle ». Leur projet est clair : nourrir le fantasme d’une nation pure en organisant la grande remigration. Ce projet glaçant suit un plan précis dont Bolloré est devenu l’aiguille et le fil à coudre. Qui Éric Ciotti va-t-il voir avant d’appeler à l’alliance du RN et de LR ? Qui met Cnews, Europe 1 et Hanouna au service de cette « union des droites » ? Vincent Bolloré. C’est une question d’habitude pour le milliardaire déjà mis en cause pour la manipulation de plusieurs scrutins présidentiels en Afrique. Au-delà du déluge xénophobe,la bollosphère fait chaque jour la promotion de discours sexistes et homophobes légitimant les violences contre les femmes et les personnes LGBTQI+. Elle alimente la négation de la crise climatique et oeuvre sans relâche à ce qu’il ne soit pas fait obstacle à ceux qui tirent profit de la dévastation écologique. Bolloré est en guerre pour l’hégémonie culturelle, la conquête des imaginaires et la fabrique du consentement au pire. Si le RN est passé tout prêt de gagner les élections et prendre le pouvoir, c’est en partie son œuvre. Il est la cheville ouvrière de l’union des droites, de l’alliance objective entre le bloc libéral et le bloc néo-fasciste. Cette alliance colle parfaitement à ses intérêts de classe et à ses convictions politiques.
Bolloré, un empire industriel climaticide, néo-colonial et sécuritaire
Pour tirer les ficelles, il faut s’en donner les moyens. Avant de se révéler propagandiste en chef, Bolloré est bien un capitaine d’industrie. Il dirige un groupe international aux multiples filières dont les activités se divisent en plusieurs branches.
La plus connue est la branche « communication » avec Vivendi et Universal. En 20 ans, Bolloré a patiemment construit sa machine à communiquer et façonner les esprits. Journaux gratuits, institut de sondage, groupes publicitaires, puis chaînes de télévisions, radios, magazines et maisons d’édition. Avec la brutale prise de contrôle de Canal + et Europe 1, les licenciements massifs à I-Télé et la montée de CNews, ce puissant appareil s’est mis de plus en plus ouvertement mis au service des idées les plus réactionnaires. Les sanctions financières de l’ARCOM, (instance de régulation de l’espace audiovisuel), suite aux appels à la haine, aux visées monopolistiques, et à la partialité des médias du groupe se multiplient, mais n’ont fait jusqu’alors ni chaud ni froid à Bolloré. Mais en ce moment même, les autorisations de diffusion sur la TNT de CNEWS et C8 (et d’autres chaines) sont examinées. On peut imaginer que des mobilisation populaires fassent pression pour que chaines soient rayés de la TNT. Il possédera aussi bientôt l’édition de la moitié des livres de poche et plus de 70% des livres scolaires du pays. L’impact possible sur ce secteur en cas de ministre de l’éducation d’extrême droite est tout simplement alarmant.
La branche historique est la branche industrielle, qui se concentre autours de Bolloré Energy, qui détient plusieurs dépôts pétroliers, vend du fuel domestique, et de Blue qui rassemble des activités liées aux flux de déplacements et de données. Il est sans surprise un acteur majeur de diverses entreprises qui ont pour point commun le développement et l’automatisation des moyens de surveillance en tous genres : automatisation du contrôle d’accès et de la gestion des flux (Automatic Systems), sécurisation de l’espace public (Indestat), puces RFID et tracking (Track & Trace), conseil en numérique au service de la ville connectée (Polyconseil)...
Sa branche logistique en a fait un des poids lourd du fret aérien, maritime et routier mondial, organisant le transport de marchandises aux dépends des productions locales, des conditions de travail comme du climat. La vente récente de ce pôle à CMA CGM patrons pour leur part de BFM-TV et RMC, a offert à Bollore les moyens d’influencer considérablement la politique française.
Enfin, une grande partie des profits de Bolloré se fait depuis sa branche « agricole ». Il a bâti sa fortune sur la culture et la vente de tabac en Afrique. Outre ses domaines viticoles de prestige en France, il est le second actionnaire de la holding luxembourgeoise Socfin qui contrôle environ 390 000 ha de concessions de palmiers à huile et d’hévéa en Afrique et en Asie. Déforestation, spoliation des terres, mauvais traitement des populations riveraines, conditions de travail inhumaines, etc. Malgré la procédure judiciaire en cours pour ces violations répétées des droits humains sur ses plantations, malgré la reconnaissance formelle de ces violations par diverses institutions financières, malgré des missions d’évaluation commanditées par Socfin auprès de la Earthworm Foundation pour "réfuter ces accusations" mais qui n’ont pu que constater et prendre acte de la réalité de ces violations, Socfin n’en continue pas moins de prospérer en toute impunité.
Bolloré est de tous les ravages. C’est un groupe fondé sur un système colonial qui perpétue sciemment des pratiques esclavagistes. C’est un industriel qui fait son profit des logiques extractivistes les plus dévastatrices. C’est un expropriateur de terres. Un patron menant pour ses employé·es de violentes politiques de casse sociale et de terreur managériale. Son empire est tentaculaire. Mais pour celleux qui estiment qu’il est temps d’y mettre fin, cela signifie une chose. Il est possible de nous rassembler en un large front à la fois syndical, social, écologiste, féministe, décolonial, antifasciste et international.
Désarmer le groupe Bolloré
Ses dernières années, sur le terrain des luttes écologiques, des campagnes d’actions internationales contre des industriels comme Lafarge-Hocim ou Total ont vu le jour. Des collectifs antifascistes, présents dans de nombreuses villes, quartiers populaires et territoires ruraux, mènent une résistance de terrain. Les derniers mouvements sociaux ont démontré qu’un syndicalisme combatif existe toujours. De larges mobilisations féministes et LGBTQI+ prennent les rues.Des mouvements dévalidistes nous appellent à substituer une culture du soin au culte de la force. De mouvements antiracistes et décoloniaux luttent au quotidien dans les quartiers populaires. Des réseaux de solidarité œuvrent à maintenir des territoires d’accueil pour les personnes exilées. Bolloré est une menace pour nous tous.tes. Mais ensemble, nous sommes fort.es d’une immense expérience de lutte. Nous appelons donc à une campagne commune - dans les prochaines, semaines, mois et années - pour démanteler l’empire Bolloré. Alors qu’il baillonne la critique de ses activités dans ses propres médias, nous appelons à enquêter minutieusement sur son empire, à regrouper des témoignages, à ce que des infos fuitent en son sein et à les regrouper, à afficher partout ses crimes, dans les rues, sur les réseaux et dans ses entreprises. Son agenda politique s’attaque aux vies de millions de personnes. Nous y répondrons dorénavant par des mobilisations, de masse ou décentralisées, qui pointent le groupe et l’impactent concrètement. Bolloré ne s’incruste pas seulement dans nos cerveaux, il est souvent présent matériellement - avec ses bureaux et entrepôts - à côté de chez nous. De multiples actions sont possibles si nous les menons ensemble. Bloquons ses plateaux télés, occupons ses dépôts pétroliers, soutenons les luttes syndicales à l’intérieur de ses entreprises et médias, vendangeons ses vignes, redistribuons son fuel domestique à celleux qui galèrent à se chauffer, traquons le traceur, tissons des alliances internationales, organisons des boycotts, virons ses chaînes de la TNT et soutenons la création et l’assise de contre-pouvoirs médiatiques puissants !
L’extrême droite croît sous perfusion de Bolloré, ensemble coupons-lui les vivres !